Sur les sentiers du pays des enfants des rois - Tana Toraja
Indonésie nous revoilà ! C’est finalement à Sulawesi, aussi connue sous le nom majestueux d’Ile des Célèbes, que nous poursuivons notre périple. Cette île à la drôle de forme de main ou de pieuvre se trouve à l’est de l’île de Bornéo qu’on survole en avion, en y rêvant un peu aussi... une prochaine fois ! Et pour l’instant, une petite carte des Célèbes pour vous situer ses contours étonnants, que nous allons traverser du sud au nord.
Un bus de nuit vraiment tout confort nous emmène de Makassar au Pays Toraja, au milieu des montagnes. Les Toraja sont un peuple en majorité chrétien, mais qui a conservé traditions et rituels qu’on ne voit nulle part ailleurs à Sulawesi, voire en Indonésie. La légende dit qu’ils sont venus par le nord et par la mer, et en souvenir de ces origines ils bâtissent des maisons familiales en forme de bateau, magnifiquement décorées des motifs de leurs passions : les buffles et les coqs.
La vie des Toraja donne une place centrale à la mort, qui doit être célébrée comme un événement majeur, lors de longues et immenses cérémonies. Celles-ci peuvent se dérouler plusieurs années après le décès, le temps de réunir l’argent nécessaire. Plusieurs centaines de personnes viennent aux funérailles et des dizaines de buffles sont sacrifiés. Nous n’assisterons pas aux sacrifices de buffles, la description des égorgements nous suffit. On préfère les voir bien vivants au marché du lundi, on comprend pourquoi leurs propriétaires en sont si fiers et les soignent tellement !
On voit aussi la fête autour du cercueil du dernier jour de la cérémonie, le corps est chahuté en tous sens, les porteurs miment les vagues de la mer en traversant le village, qui rit de bon coeur. Après les tristesses des premiers jours, joie pour le défunt. Ici encore le deuil est vécu de façon bien différente qu’en Occident. Les corps sont mis dans des niches creusées dans la roche, et des marionnettes en bois, les tau-tau, qui représentent le défunt, sont installées sur les falaises. Elles nous tendent les bras, en un geste étrange d’accueil. Morts et vivants cohabitent, et on vient nourrir le mort, lui donner sa clope ou lui installer un petit ventilateur devant la tombe si on a rêvé qu’il avait trop chaud. Le tout coexiste avec croix et images d’un Jésus plaintif, le syncrétisme n’est pas un vain mot !
On part deux jours dans les petits villages plus reculés, entre montagne et rizières en étage, au rythme des "Selamat Pagi !" (bonjour) et "Dimana ?" (où allez vous ?) étonnés de nous voir marcher, deux occidentaux à la peau claire et au nez long. Bonheur de retrouver le rythme de nos pas pour aller à la découverte de tant de beauté...
Adolfina nous accueille chez elle à la nuit presque tombée d’un "do you want to sleep in my house ? " qui désarme nos phrases indonésiennes apprises par coeur pour trouver une chambre. C’est la professeur d’anglais de Pulu Pulu, et elle nous accueille comme si notre présence était une évidence. On est l'attraction de ses collègues le lendemain matin, qui nous invitent à l'école où nous faisons encore davantage sensation. Je me souviendrai longtemps de mon premier cours d’anglais donné à des petits enfants toraja timides et rieurs à la fois.
Au Pays Toraja, on a beaucoup aimé la vie...